« J’ai toujours pensé qu’il devait être libérateur de mettre des couleurs sur une toile. Il y a trois ans, j’ai peint le fond d’une toile qui est demeurée inachevée. Ingénieur et gestionnaire de projet de formation, je m’intéressais davantage à la finance et aux projets. Mère de deux charmantes filles, je consacrais principalement mes temps libres à l’écriture et au sport.
C’est pour faire plaisir à ma grande de 9 ans, que je me suis inscrite avec elle, à l’atelier toile blanche. Ève aime beaucoup la peinture, le dessin et l’art en général. Comme j’aime qu’elle pratique des sports avec moi, j’ai cru qu’elle apprécierait que je m’intéresse un peu à ses passions. Je nous ai inscrites malgré ma difficulté à dessiner un bonhomme allumette.
Une journée de peinture, mère et fille, quel moment privilégié ce fut ! Je me suis littéralement fait prendre. Ce n’était pas un cours comme je le croyais, mais bien une belle séance de créativité et d’expression. J’ai adoré la ferme consigne de Suzanne: Vas-y, amuse-toi !
C’est en bleu que j’ai peint le fond de ma toile. Et puis, d’un coup de spatule, un splash de blanc au milieu du tableau. Deux, trois coups, rien de plus. Je peins ensuite le bas. Du blanc, du rouge, du bleu, les couleurs se mélangent aisément. J’en oublie même Ève, qui à mes cotés, s’amuse à utiliser mes couleurs toutes mélangées.
Mes spatules s’animent, puis tout à coup, plus rien. Je me recule et je regarde ma toile. Ce n’est pas grave car chez Suzanne c’est libre. Un bon moment pour prendre une pause, je sors à l’extérieur et je ramasse tout ce qui me tombe sous la main et qui me plait : des feuilles mortes, des épines de conifères, des écorces d’arbres, etc. Ces éléments de la nature me donnent un second souffle. Les deux mains dans la peinture, je texture ma toile, je crée une sorte de fond marin.
Une fois terminée, j’observe le résultat et je réalise ce que mon tableau exprime. Pourtant, j’ai peint sans aucune pensée, j’ai seulement mis de la couleur où bon me semblait.
Tout le monde s’accorde pour dire que ça ressemble drôlement à un oiseau qui plonge dans la mer. Une des participantes me suggère comme titre’’ Crash’’. Je ne peux m’empêcher de lui raconter l’histoire de ma toile, que je viens moi aussi, tout juste de découvrir. Pour moi, la tâche au centre n’est pas un oiseau mais un avion qui décroche de sa trajectoire. C’est l’image qui me hante depuis 7 ans, depuis que mon mari est décédé dans un accident d’avion. Au bas, c’étaient les débris et les restes de corps explosés. Puis sur le coté, les âmes qui s’envolent.
Il y a longtemps, j’avais écrit :
En pensées, je me déplace vers la mer
Pour me souvenir
Pour m’aider à écrire
Pour me ressourcer
Et surtout pour guérir
Après ma balade à l’extérieur, avec les éléments de la nature, j’ai transformé tous ces débris, en un fond marin. La mer a toujours su m’apaisée.
Peindre fut pour moi une bonne thérapie, simple, amusante et libératrice. L’atelier toile blanche m’a propulsée.
Cet été, sur le bord de la mer, mes filles et moi avons continué à peindre. Ève a bien appris de Suzanne :’’Vas-y maman, mets de la couleur, c’est merveilleux.’’
Merci Suzanne, pour la belle personne que tu es. Grâce à tes ateliers, nous sommes maintenant trois passionnées de la peinture. »
Sonia Reid